Dans une lettre ferme adressée à l’ambassadeur du Canada en Haïti, Me Jean Henry Céant, ancien Premier ministre, dénonce ce qu’il considère comme une réponse inappropriée à une demande officielle de clarification sur les sanctions canadiennes le visant. Au-delà de sa situation personnelle, l’avocat soulève des enjeux plus larges liés au respect du protocole diplomatique, à la transparence des procédures et aux principes de l’État de droit.
Port-au-Prince, le 11 décembre 2025 — Plus d’un mois après avoir sollicité l’intervention du représentant du Canada en Haïti pour transmettre une correspondance à la ministre canadienne des Affaires étrangères, Me Jean Henry Céant dit rester « perplexe » face à la réponse reçue le 2 décembre de l’ambassadeur André François Giroux.
Dans cette lettre de protestation, l’ancien chef du gouvernement haïtien s’interroge tant sur la forme que sur le fond de la démarche diplomatique adoptée. Il y perçoit une possible rupture avec les usages traditionnellement observés dans les relations entre États, notamment à l’égard des anciens chefs de gouvernement.
Sans prêter d’intention particulière à son interlocuteur, Me Céant estime néanmoins nécessaire de rappeler que le respect des titres, des fonctions passées et des formes protocolaires demeure un pilier des relations internationales.
« La rigueur protocolaire et le respect des appellations contribuent à préserver la qualité des relations entre nos deux pays », souligne-t-il, insistant sur la dimension institutionnelle — et non personnelle — de sa démarche.
Pour l’ancien Premier ministre, la réponse de l’ambassadeur canadien aurait dû se limiter à un simple transfert de correspondance à la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, seule destinataire visée par la lettre initiale datée du 11 novembre 2025.
Sanctions canadiennes : une demande d’accès restée sans réponse
Au cœur de cette controverse figure une question sensible : celle des sanctions canadiennes visant des responsables politiques et économiques haïtiens. Depuis novembre 2022, Me Céant affirme réclamer l’accès à son dossier ainsi qu’aux preuves que le Canada détiendrait à son encontre.
Or, la réponse officielle reçue se serait limitée à un renvoi vers des liens du site d’Affaires mondiales Canada — une démarche jugée insuffisante, voire choquante, par l’homme de loi.
« Si j’avais souhaité écrire à la Direction générale des sanctions, je l’aurais fait directement », rappelle-t-il, non sans ironie, soulignant son expérience de plus de trente ans comme notaire et avocat.
Des failles reconnues par Affaires mondiales Canada
Pour étayer la légitimité de sa demande, Me Céant s’appuie sur un élément peu connu du grand public : un rapport d’évaluation interne d’Affaires mondiales Canada, couvrant la période 2018-2024 et publié en mars 2025. Ce document reconnaîtrait plusieurs lacunes dans les procédures du Bureau des sanctions.
Un constat qui, selon lui, renforce l’exigence de transparence et de respect des droits fondamentaux, y compris le droit à l’information et à une procédure équitable.
Au-delà de son cas personnel, l’ancien Premier ministre haïtien pose une question plus large, presque politique :si ce type de réponse expéditive devait devenir la norme dans les échanges avec les responsables haïtiens, ne traduirait-elle pas un éloignement du Canada par rapport aux valeurs qu’il revendique sur la scène internationale, notamment celles de l’État de droit et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ?
Vers une escalade diplomatique maîtrisée
Face à ce qu’il considère comme une fin de non-recevoir déguisée, Me Jean Henry Céant annonce son intention de saisir directement Ottawa. La lettre de l’ambassadeur, tout comme sa protestation formelle, seront transmises aux autorités centrales canadiennes, afin qu’elles en apprécient la portée.
Il affirme néanmoins rester confiant dans l’attachement du gouvernement canadien actuel aux principes juridiques, citant nommément le Premier ministre Mark J. Carney et la ministre des Affaires étrangères Anita Anand.
Cette correspondance, désormais publique, met en lumière les tensions latentes autour du régime de sanctions internationales visant Haïti. Elle pose surtout une question essentielle : celle de l’équilibre entre diplomatie, transparence et respect des droits, à un moment où la crédibilité des mécanismes internationaux est plus que jamais scrutée. Pour Me Jean Henry Céant, le combat dépasse sa personne — il engage, dit-il, l’honneur des institutions et la cohérence des valeurs démocratiques.
Yves Manuel
RL news
