Crise au sein du Conseil présidentiel : un complot avorté dévoile les dessous de la lutte pour le pouvoir

Par RLNEWS
À la veille du transfert de pouvoir prévu pour le 7 août, entre Fritz Alphonse Jean et Laurent Saint-Cyr, dans le cadre de la présidence tournante du Conseil présidentiel de transition (CPT), des tractations souterraines exposent les failles structurelles et les tensions croissantes au sein du pouvoir transitoire. L’actualité récente, marquée par un coup politique manqué visant à écarter Didier Fils Aimé au profit d’Arnoux Descartes, met en lumière l’intensité des luttes d’influence qui se jouent, parfois dans l’ombre.
Port-au-Prince, 3 août 2025 .—Le mécanisme de présidence tournante instauré par l’accord du 3 avril 2024, sous l’égide de la CARICOM et appuyé par des partenaires internationaux tels que l’OEA et les États-Unis, visait une gouvernance consensuelle, faute de stabilité durable. Mais à quelques jours de la passation entre Fritz Jean (représentant du groupe Montana) et Laurent Saint-Cyr (représentant du secteur privé), les tensions internes s’exacerbent et menacent l’équilibre déjà précaire du Conseil.
Selon une source généralement bien informée, des frictions persistantes entre les blocs représentés au sein du CPT nourrissent un climat de méfiance. Ce qui devait être une formalité institutionnelle devient désormais un véritable enjeu stratégique.
Dans ce contexte tendu, une manœuvre aurait visé à remplacer Didier Fils Aimé, figure influente du CPT, par Arnoux Descartes, président du Volontariat pour le développement d’Haïti (VDH). Ce plan, que certains qualifient de « complot politique », aurait mobilisé pressions, offres financières et manipulations pour bouleverser les rapports de force internes.
Mais c’est Emmanuel Vertilaire, acteur apparemment respecté , qui aurait fait échouer cette tentative en refusant catégoriquement de trahir les engagements initiaux. Ce geste aurait suffi à enrayer la manœuvre.
Des sources proches du mouvement Pitit Desalin rapportent que des réunions secrètes se seraient tenues au domicile du coordonnateur du parti. Selon ces mêmes sources, des millions de gourdes auraient été proposés pour acheter certaines décisions. Plusieurs conseillers, toutefois, auraient refusé les pots-de-vin, réaffirmant leur engagement envers les principes de la transition.
Soutien discret des États-Unis à Didier Fils Aimé
D’après des médias locaux, l’ambassade américaine à Port-au-Prince, alertée des agitations en coulisse, aurait discrètement apporté son soutien à Didier Fils Aimé, perçu comme une figure modérée et stable. Le Département d’État américain, tout comme la CARICOM, tient à éviter tout chambardement dans le processus transitoire, jugé essentiel pour prévenir une dérive autoritaire ou un vide politique prolongé.
Un plan qui s’effondre, un système qui vacille
Alors que le passage de témoin approche, l’échec de cette tentative de déstabilisation provoque un malaise palpable dans plusieurs cercles politiques. Le coordonnateur de Pitit Desalin a formellement nié toute implication, mais la panique s’installe chez les instigateurs présumés.
Ce coup manqué met en lumière les fractures profondes au sein du CPT, entre partisans d’un compromis politique classique et promoteurs d’une rupture avec les méthodes du passé. Il révèle également que l’éthique et la loyauté, portées ici par des figures comme Vertilaire, peuvent encore prévaloir face aux logiques de corruption et d’ambition personnelle.
Une transition à haut risque
La prise de fonction imminente de Laurent Saint-Cyr ne sera pas un simple changement de visage à la tête du CPT. Elle constitue un véritable test de maturité politique pour les acteurs haïtiens. Les événements récents démontrent que les intérêts partisans et les manipulations en coulisse restent omniprésents, mais que certains résistants, issus de la société civile ou du champ politique, peuvent encore défendre les fondements de la transition.
Ce moment charnière pourrait soit relancer la dynamique transitionnelle, soit enfoncer davantage le pays dans l’impasse institutionnelle, si les tractations occultes continuent de prévaloir. La communauté internationale, bien qu’influente, ne pourra préserver seule cet équilibre sans un sursaut de responsabilité collective à l’intérieur du pays.
RLNEWS
Yves Manuel
Journaliste politique indépendant