Face à l’impasse sécuritaire, institutionnelle et sociale, les acteurs de l’Accord de Montana appellent à une rupture nette avant février 2026.
Port-au-Prince, 21 décembre 2025._À un peu près de deux mois de l’échéance constitutionnelle du 7 février 2026, les signataires de l’Accord de Montana sortent du silence. Réunis ce 21 décembre, ils ont dressé un diagnostic sévère des vingt derniers mois de gouvernance et soumis une proposition politique de sortie de crise qu’ils présentent comme une alternative nationale crédible, face à l’échec du Conseil présidentiel de transition et de l’actuel Premier ministre.
Dans un contexte marqué par l’expansion des gangs armés, la paralysie des institutions et une influence internationale jugée de plus en plus intrusive, cette initiative se veut à la fois un acte de rupture et un appel à la refondation.
Avant le 3 avril 2024 : une conjoncture explosive
Les travaux ont d’abord porté sur l’analyse de la conjoncture ayant précédé l’accord politique du 3 avril 2024.Les signataires évoquent une situation objective de délitement généralisé : effondrement de l’autorité publique, insécurité chronique, paupérisation accélérée et perte de confiance citoyenne.
Face à cette réalité, les forces en présence — nationales comme internationales — n’auraient pas su proposer des réponses à la hauteur des enjeux. Selon les participants, les initiatives étrangères ont souvent prévalu sur les dynamiques internes, au détriment d’un consensus haïtien durable.
Vingt mois de pouvoir : un bilan jugé largement négatif
Conseil présidentiel de transition : institutions fragilisées
Sur le plan institutionnel et politique, le Conseil présidentiel de transition est accusé d’avoir échoué à restaurer l’équilibre des pouvoirs. L’absence de mécanismes de contrôle, conjuguée à une gouvernance centralisée, aurait accentué les dérives autoritaires.
Sur le terrain économique et social, le constat est tout aussi sombre : inflation persistante, chômage massif, dégradation continue des conditions de vie et incapacité à répondre à l’urgence sécuritaire.
Le Premier ministre dans le viseur
Le bilan du chef du gouvernement est particulièrement critiqué. Les signataires soulignent qu’à son arrivée, davantage de quartiers et de villes sont passés sous contrôle des gangs armés, aggravant l’insécurité et les déplacements forcés de populations.Ils lui reprochent également des engagements politiques et diplomatiques jugés contraires aux intérêts nationaux et dépassant ses attributions constitutionnelles.
Ce qui aurait pu être fait : les griefs de l’Accord de Montana
Dans leur analyse, les signataires rappellent que depuis plus de quinze ans, les institutions de l’État sont dysfonctionnelles ou inexistantes. Ils pointent notamment :
la concentration du pouvoir entre 2021 et 2024 entre les mains d’un seul dirigeant ;
la violation de l’esprit et de la lettre de la Constitution de 1987, hostile à tout exécutif monocéphale ;
l’absence prolongée de pouvoirs de contrôle ;
la disparition de toute autorité démocratique dans les collectivités territoriales.
À cela s’ajoute, selon eux, le rôle de plus en plus prépondérant de la communauté internationale dans la définition des solutions politiques haïtiennes.
Une proposition de transition “nationale” avant février 2026
Face à cette impasse, l’Assemblée des signataires de l’Accord de Montana affirme représenter une volonté réelle d’inclusion et de participation citoyenne. Elle propose une reconfiguration complète de la transition, articulée autour de onze articles clés.
Les mesures phares
Démission immédiate du Conseil présidentiel de transition et de l’actuel Premier ministre ;
Création d’une Conférence des parties prenantes, regroupant les organisations signataires de l’accord du 3 avril 2024 ;
Mise en place d’un Conseil présidentiel à trois membres ;
Désignation du Premier ministre par la Présidence, en concertation avec la Conférence ;
Création de l’Organe de contrôle de la transition (OCAT), chargé de surveiller l’action de l’Exécutif, notamment dans les ministères, la diplomatie et la justice ;
Encadrement strict des nominations ministérielles et interdiction de remaniements arbitraires durant la transition.
L’objectif affiché : préparer les conditions minimales pour des élections honnêtes, crédibles et démocratiques, tout en restaurant une gouvernance équilibrée.
Une rupture assumée, un pari risqué
Cette proposition marque une rupture nette avec la transition actuelle. Elle pose toutefois une question centrale : la classe politique haïtienne est-elle prête à s’entendre sur une solution réellement nationale, sans tutelle excessive ni calculs partisans ?
À un environ 2 mois de février 2026, le temps presse. Entre insécurité galopante, fatigue sociale et défiance citoyenne, la fenêtre d’opportunité se rétrécit.
RL News
