Par Yves Manuel
Alors que des vents meurtriers arrachent des toitures et que des torrents de boue engloutissent des maisons, une autre tempête, plus sournoise encore, secoue la République : celle du pouvoir et de l’indifférence. L’ouragan Melissa n’a pas seulement mis à nu la fragilité de notre territoire, il a aussi révélé, une fois de plus, la faillite morale d’une partie de notre élite dirigeante.
Au moment où chaque minute compte pour sauver des vies, des accusations graves émergent : selon le Réseau des Haïtiens Unis Contre la Corruption (RHUCC), le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Métellus, aurait bloqué le décaissement des fonds d’urgence destinés aux secours. Si cela s’avère exact, ce comportement serait plus qu’une faute administrative — ce serait un crime moral contre la nation.
Dans un pays où les catastrophes naturelles ne sont plus des événements, mais des cycles tragiques, il est inconcevable qu’un seul homme puisse retenir en otage les ressources publiques au détriment de milliers de sinistrés. Les institutions comme la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC) et le FAES, déjà asphyxiées par le manque de moyens, se retrouvent ainsi paralysées au moment où le pays a le plus besoin d’elles.
Haïti ne manque pas de crises, mais elle souffre surtout d’un déficit de conscience. Les tempêtes passent, les promesses s’envolent, mais les mêmes réflexes d’opacité et de calcul politique demeurent. Si l’on peut comprendre les limites logistiques d’un État pauvre, rien ne saurait justifier la lenteur volontaire, encore moins l’instrumentalisation du malheur collectif à des fins personnelles ou partisanes.
Le RHUCC réclame une enquête administrative sur cette affaire. Il a raison. La transparence ne doit plus être un luxe, mais une exigence vitale. Dans un contexte où la méfiance du peuple envers ses dirigeants atteint son paroxysme, toute ombre de manipulation financière dans une situation d’urgence devient une trahison nationale.
L’heure n’est plus aux manœuvres, mais à l’action. Les sinistrés n’ont pas besoin de discours, encore moins de rivalités internes. Ils ont besoin d’eau, de nourriture, de toits, de routes dégagées, de bras solidaires. Et d’un État qui, pour une fois, réponde à leur cri avant qu’il ne soit trop tard.
Haïti ploie sous les eaux, mais elle pourrait encore se relever si ceux qui la dirigent acceptent enfin d’écouter la voix du devoir plutôt que celle de l’ambition. Car la vraie tempête, celle qui menace d’emporter la nation entière, n’est pas celle de Melissa — c’est celle de l’indifférence et du cynisme.
RLnews ( RL)
