ÉDITORIAL — Quand la rumeur prend le pas sur la vérité : défendre la dignité face à la diffamation

Dans une société en quête de justice, de transparence et de reconstruction institutionnelle, la presse joue un rôle crucial. Elle éclaire, informe, interroge. Mais que se passe-t-il lorsque, volontairement ou par négligence, elle devient le relais d’accusations infondées, de rumeurs destructrices, voire d’une campagne de dénigrement ? L’affaire Betty Lamy nous force à poser cette question avec gravité.
Entrepreneure haïtienne connue dans le secteur de l’exploitation des produits de la mer, Mme Lamy affirme aujourd’hui être victime d’une vaste opération de diffamation, orchestrée, selon elle, par Damourude Lazarre, coordonnatrice de l’ANAPRA. Elle dénonce une coalition opaque de responsables publics, de faiseurs d’opinion et d’individus aux pratiques douteuses, bien décidés à nuire à sa réputation.
Ce qui devrait relever du débat économique ou du contentieux administratif s’est transformé, dans certains médias, en une campagne personnelle, brutale, dénuée de contradictoire. Pire : Mme Lamy aurait été accusée sans jamais avoir été consultée, privée du droit fondamental à répondre publiquement. Une entorse sérieuse aux règles les plus élémentaires du journalisme.
Cette affaire soulève un enjeu majeur : le respect de la dignité humaine dans l’espace médiatique. Trop souvent, dans un climat saturé de conflits d’intérêts et de règlements de comptes, des femmes, des entrepreneurs, des citoyens engagés deviennent les cibles d’accusations spectaculaires, relayées sans filtre, sans vérification, parfois sans âme.
Le droit de réponse de Mme Lamy, soutenu par des documents officiels et des plaintes déposées, mérite d’être entendu. Non pas pour prendre parti, mais pour rétablir un équilibre dans le débat. La vérité ne se construit pas à coups de titres sensationnalistes ou d’attaques sur commande. Elle exige rigueur, patience et responsabilité.
Cet épisode rappelle aux journalistes leur rôle sacré : être les garants de l’intérêt public, non les instruments de persécutions privées. Il appelle aussi à la vigilance de nos institutions, pour que nul ne puisse manipuler les leviers de l’État ou de l’influence à des fins personnelles ou politiques.
Dans un pays fragilisé par l’impunité et la méfiance généralisée, chaque injustice médiatique est une bombe à retardement. Protéger la parole, oui. Mais protéger les personnes, aussi.
Haïti mérite une presse libre, mais aussi juste.
RLNEWS(RL)