Haïti : la faim comme miroir d’un État défaillant

Haïti : la faim comme miroir d’un État défaillant
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ÉDITORIAL

Par Yves MANUEL, Rédacteur à RLNEWS

Alors que la communauté internationale multiplie les appels à l’action contre la faim dans le monde, Haïti apparaît une fois de plus comme le pays le plus vulnérable du continent américain.
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA), le pays devrait mobiliser 13 % de son produit intérieur brut (PIB) pour éradiquer la faim — un effort colossal, révélateur de la profondeur de la crise économique et institutionnelle haïtienne.
Face à ce constat, Yves MANUEL analyse les causes de cette dérive et les conditions nécessaires à un véritable redressement national.

Le dernier rapport conjoint du FMI et de l’IICA place Haïti face à une réalité brutale : éradiquer la faim exigerait un effort équivalant à 13 % du PIB national.
Aucun autre pays de la région ne se trouve dans une telle situation. Cette donnée ne reflète pas un manque de ressources, mais une incapacité de l’État à transformer son potentiel agricole en sécurité alimentaire durable.

Dans une région capable d’exporter une tonne de nourriture sur quatre à l’échelle mondiale, Haïti fait figure d’exception dramatique.
Le pays produit moins qu’il ne consomme, importe plus qu’il ne peut payer, et dépend de plus en plus de l’aide internationale pour nourrir ses enfants.

Quand l’instabilité détruit la souveraineté alimentaire

La faim en Haïti est le reflet direct de l’effondrement de la gouvernance publique.
Des décennies d’instabilité politique, d’abandon du monde rural et de mauvaise gestion budgétaire ont fragilisé les filières agricoles.
Les agriculteurs, laissés à eux-mêmes, désertent leurs terres. Les infrastructures de transport et d’irrigation tombent en ruine.
Résultat : le pays qui fut jadis autosuffisant importe aujourd’hui plus de la moitié de son alimentation, et la hausse des prix plonge des millions de familles dans l’insécurité alimentaire chronique.

La volonté politique, clé du redressement

Le FMI et l’IICA recommandent aux gouvernements de la région de mieux cibler les dépenses sociales et de réaffecter les subventions régressives vers des programmes alimentaires et agricoles.
Ces solutions sont valables pour Haïti, mais elles ne porteront fruit que si le pays retrouve une stabilité politique durable et une vision claire du développement humain.

Investir dans l’agriculture, moderniser les filières rurales, soutenir les producteurs locaux, redéployer les cantines scolaires et renforcer les transferts sociaux — autant d’actions simples mais vitales pour restaurer la dignité alimentaire du peuple haïtien.

Tant que la question alimentaire ne sera pas placée au centre du projet national, la faim continuera d’incarner l’échec d’un système plus que celui d’une économie.
Lutter contre la faim en Haïti, ce n’est pas seulement nourrir les ventres : c’est rebâtir l’État, redonner confiance aux citoyens et reconstruire la nation à partir de ses racines rurales.

✍️ Yves MANUEL
Rédacteur – RLNEWS
Port-au-Prince, 12 octobre 2025

rlnewshaiti

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