Alors que l’échéance du 7 février 2026 se profile comme un point de rupture institutionnelle majeur, l’article de Me Francisco René sur le rôle constitutionnel du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) s’impose progressivement dans le débat public. Repris par le média RLnews, ce texte de fond propose une lecture juridique structurée de la transition, à contre-courant des solutions politiques jusque-là privilégiées.
Au cœur de la réflexion de Me Francisco René se trouve une affirmation forte : la souveraineté nationale ne peut être confisquée par des accords politiques temporaires lorsque les mécanismes constitutionnels existent encore. En s’appuyant sur l’article 184.2 de la Constitution de 1987 amendée, l’auteur rappelle que le CSPJ est co-dépositaire de la souveraineté nationale, au même titre que l’Exécutif et le Législatif.
Cette précision, souvent ignorée dans le débat public, constitue le socle de son raisonnement. Pour Me René, lorsque deux pouvoirs constitués sont défaillants — un Exécutif à légitimité expirée et un Parlement inexistant — la souveraineté ne se dissout pas : elle est juridiquement tenue d’être exercée par l’institution encore fonctionnelle.
Sans attaque frontale, l’article pose néanmoins un constat sévère sur les expériences récentes de gouvernance transitoire. Les partis politiques, la société civile organisée et même les partenaires internationaux, bien qu’importants dans le dialogue national, ne disposent d’aucune qualité constitutionnelle pour exercer la souveraineté.
En ce sens, Me Francisco René remet en question la durabilité du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dont la légitimité est qualifiée de « purement politique ». Selon lui, l’expiration annoncée des mandats de ses membres au 7 février 2026 entraînera mécaniquement une vacance de l’Exécutif, ouvrant une crise de légalité sans précédent si aucune solution constitutionnelle n’est activée.
Le 7 février 2026 comme moment de bascule juridique
L’article consacre une large place à cette date charnière. En l’absence de Parlement, l’application de l’article 149 de la Constitution devient impossible. Pour Me René, cette situation crée une urgence constitutionnelle qui justifie l’activation d’une forme de clause de sauvegarde institutionnelle implicite.
C’est dans ce cadre que le CSPJ serait habilité à adopter une résolution d’urgence, non pas pour gouverner politiquement, mais pour organiser la continuité de l’État à travers l’élection interne, au second degré, d’un Président provisoire.
Contrairement aux craintes d’une judiciarisation excessive du pouvoir, Me Francisco René insiste sur le caractère strictement transitoire et encadré de l’intérim judiciaire. Le Président provisoire, issu du CSPJ ou de la Cour de cassation, exercerait une fonction de garant : respect de la Constitution, indépendance des institutions, continuité de l’État.
L’action gouvernementale quotidienne reviendrait à un Premier ministre issu d’un consensus national élargi. Ce bicéphalisme vise à prévenir toute concentration du pouvoir et à maintenir un équilibre entre légalité institutionnelle et gouvernance politique.
L’un des aspects les plus marquants de l’article réside dans sa dimension sociologique. Me René ne se limite pas au droit : il reconnaît l’effondrement de la confiance populaire envers la classe politique traditionnelle. Dans ce contexte, une figure issue du pouvoir judiciaire incarnerait, selon lui, la neutralité et la rigueur attendues par une population lassée des transitions sans résultats.
L’approche judiciaire de la transition serait également un signal fort en faveur de réformes longtemps réclamées : lutte contre la corruption, refondation du système pénal, renforcement de l’État de droit et crédibilisation du processus électoral.
Une feuille de route nationale sous supervision politique
Enfin, l’article évoque la création d’une Conférence Nationale Souveraine Haïtienne (CNSH), appelée à jouer le rôle d’organe politique suprême de la transition. Sa mission consisterait à légitimer l’action du CSPJ et à définir le programme du gouvernement de transition, avec des priorités clairement établies : sécurité nationale, réforme institutionnelle et organisation d’élections générales.
La reprise intégrale de cet article par RLnews illustre l’écho croissant de cette thèse dans l’espace médiatique. À mesure que l’échéance du 7 février 2026 approche, la proposition de Me Francisco René déplace le débat : des solutions politiques improvisées vers une interrogation plus fondamentale sur la légalité constitutionnelle et la survie de l’État.
Qu’on y adhère ou non, son analyse oblige désormais les acteurs politiques et institutionnels à répondre à une question centrale : qui, en Haïti, détient encore légitimement la souveraineté lorsque tout vacille ?
Yves Manuel
RL News
