Dans la nuit du 11 au 12 avril 2025, la commune de Kenscoff a été le théâtre d’un épisode tragique et surréaliste qui en dit long sur les dysfonctionnements internes au sein de la Police Nationale d’Haïti (PNH). À Godet, un piège savamment orchestré par des bandits armés, avec la complicité de femmes manipulées, a pris au dépourvu un groupe de policiers, provoquant un lourd bilan : cinq blessés par balles, un disparu, et du matériel stratégique emporté.
Ce n’est ni la première attaque de gang en Haïti, ni la première fois que des policiers tombent sous le feu ennemi. Mais ce qui rend cet incident singulièrement grave, c’est la manière dont il s’est produit. Des femmes, utilisées comme appâts, ont réussi à détourner l’attention de ces agents — en pleine mission — jusqu’à les isoler de leur véhicule et de leur objectif. Ce qui s’en est suivi tient du film noir : une attaque éclair, ciblée, et surtout bien informée. L’opération, selon le porte-parole adjoint de la PNH, Lionel Lazarre, démontre à quel point les criminels ont su exploiter les failles humaines et opérationnelles du dispositif policier.
Il serait facile de simplement accuser les agents d’irresponsabilité — ce que le haut commandement de la PNH s’est empressé de faire. Pourtant, cette débâcle pose des questions bien plus profondes. Que révèle-t-elle du niveau de préparation, de discipline et surtout de moralité dans les rangs policiers ? Comment comprendre que des agents formés, censés être sur leurs gardes, se laissent distraire au point de compromettre leur sécurité et celle de leurs collègues ? Et surtout, comment ces gangs arrivent-ils à anticiper avec une telle précision les déplacements et les faiblesses de la PNH ?
Cet épisode illustre une vérité dérangeante : la PNH, déjà en lutte constante contre des groupes lourdement armés, souffre aussi de ses propres vulnérabilités internes. La séduction, dans ce cas précis, est devenue une arme tactique, révélant une fracture morale, une légèreté coupable dans l’engagement de certains agents, et une urgente nécessité de réforme.
L’enquête annoncée par la hiérarchie doit aller au-delà de la simple recherche de responsabilités individuelles. Elle doit poser un diagnostic structurel : comment renforcer l’éthique professionnelle ? Comment assurer un encadrement psychologique et moral des agents ? Et surtout, comment rétablir une chaîne de commandement crédible et rigoureuse ?
À Kenscoff, ce n’est pas seulement la ruse des bandits qui a triomphé, c’est aussi la défaite d’une institution fragilisée par le relâchement de ses propres principes. Tant que les réponses resteront superficielles, d’autres pièges risquent de se refermer — et avec eux, l’espoir d’une sécurité publique crédible en Haïti.
RLnews ( RL)
