L’archevêque de Miami, Mgr Thomas G. Wenski, croit fermement au potentiel d’Haïti. Mais pour rattraper son retard historique et rivaliser avec la République dominicaine, le pays doit impérativement faire le choix de l’unité nationale, d’un véritable vivre-ensemble et d’une relation sincère avec sa diaspora. C’est le message central livré lors d’une rencontre avec l’écrivain-journaliste Joël Lorquet.
L’écrivain-journaliste Joël Lorquet a été reçu en audience privée le lundi 29 décembre 2025 par l’archevêque de Miami, Thomas G. Wenski. Les échanges ont porté sur la situation globale d’Haïti, les actions de la Fondation Lorquet pour une nouvelle Haïti (FOLONHA), ainsi que sur les perspectives de développement du village de Cazale, un territoire chargé d’histoire et de symboles.
D’origine polonaise, Mgr Wenski entretient depuis longtemps un lien particulier avec Haïti. Il a visité le pays à de nombreuses reprises depuis les années 1970 et parle couramment le créole. Un détail loin d’être anodin, tant il témoigne de sa proximité avec la communauté haïtienne et de sa connaissance approfondie des réalités du pays.
Pour l’archevêque de Miami, l’une des clés du développement dominicain réside dans la qualité de ses relations avec sa diaspora.
« Les Dominicains ont su développer de nombreux rapports positifs avec leur diaspora », souligne-t-il, rappelant que les membres de cette diaspora peuvent retourner au pays, participer aux élections et s’impliquer pleinement dans la vie nationale.
Il rappelle qu’il y a environ 150 ans, Haïti et la République dominicaine faisaient face à une pauvreté comparable. Mais tandis que les Dominicains ont poursuivi leur trajectoire de développement, Haïti a, selon lui, interrompu la sienne. Pourtant, insiste-t-il, le retard n’est pas irréversible.
À condition, précise-t-il, que les dirigeants haïtiens et les citoyens — de l’intérieur comme de la diaspora — acceptent de faire cause commune, dans un esprit d’unité et de véritable vivre-ensemble. Pour Mgr Wenski, aucun développement durable n’est possible sans une entente sincère entre Haïti et sa diaspora, qui contribue déjà massivement à l’économie nationale par les transferts de fonds.
L’archevêque met également en avant la réussite de la diaspora haïtienne en Floride. Arrivés pour beaucoup comme boat people il y a un demi-siècle, les Haïtiens et leurs descendants occupent aujourd’hui des postes stratégiques : intellectuels, professionnels, entrepreneurs, élus.
« Cette diaspora est un atout majeur », insiste-t-il, non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour Haïti. Il estime par ailleurs que la question linguistique mérite d’être repensée dans toute stratégie de développement national.
Insécurité : un problème transnational aux racines complexes
Abordant la crise sécuritaire, Mgr Wenski dresse un constat sans détour. Selon lui, l’insécurité en Haïti est un problème complexe, largement alimenté par des facteurs extérieurs. Les armes et les munitions, affirme-t-il, proviennent de l’étranger et sont financées par des réseaux criminels et des individus en col blanc.
La position géographique d’Haïti, située sur une route stratégique entre la Colombie et d’autres pays, facilite le transit de la drogue et des armes. Cette réalité, combinée à la corruption politique, alimente un cercle vicieux dont la population paie aujourd’hui le prix fort.
Pour autant, l’archevêque se veut clair : ce problème peut être résolu, à condition qu’il existe une véritable volonté politique, tant au niveau national qu’international.
Face à la crise multidimensionnelle que traverse Haïti, Mgr Wenski pose un principe fondamental :
« Il n’y a pas de stabilité sans justice, sans réconciliation, sans compréhension et sans amour de la patrie. »
Il appelle les Haïtiens à construire une solution fondée sur ces valeurs, afin de restaurer la stabilité et relancer le développement économique. À l’approche d’une nouvelle année, il exprime le souhait de voir émerger un renouveau de l’espoir collectif, porté par une réconciliation nationale authentique.
Cazale, un joyau à valoriser
Engagé auprès des Haïtiens de Floride depuis 1978, l’archevêque Wenski affirme avoir œuvré pour une meilleure reconnaissance de cette communauté au sein de l’Église et de la société américaine. Il a également visité Cazale à plusieurs reprises, un lieu qu’il considère comme un potentiel site de tourisme écologique.
Séduit par la beauté naturelle et la préservation de cet espace, il estime que les autorités et les natifs de la zone pourraient transformer Cazale en destination touristique, notamment pour des visiteurs polonais, en raison des liens historiques entre la Pologne et Haïti depuis la guerre de l’Indépendance.
De son côté, Joël Lorquet a plaidé pour un accompagnement accru en faveur de cette communauté. Sans promesse formelle, Mgr Wenski s’est dit disposé à collaborer avec la FOLONHA et à mobiliser ses contacts pour contribuer à la valorisation de ce territoire.
Au-delà des constats, le message de l’archevêque de Miami est limpide : Haïti n’est pas condamnée au chaos. Mais le chemin vers la stabilité et le développement passe, inévitablement, par l’unité nationale, la justice et un véritable vivre-ensemble. Un choix de société qui ne peut plus attendre.
Yves Manuel
RL News
