Retour au Palais : le symbole d’un pouvoir en quête de légitimité

Retour au Palais : le symbole d’un pouvoir en quête de légitimité
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Dix-neuf mois après avoir déserté le Palais national, le pouvoir exécutif haïtien y a tenu ce jeudi un Conseil des ministres hautement symbolique. Entre le retour d’un gouvernement de transition sur les lieux du pouvoir et les échos des rafales de balles tout autour du Champ de Mars, cette journée illustre à la fois le courage d’une reprise d’institution et la fragilité d’un État assiégé.

Port-au-Prince, 9 octobre 2025 .—La dernière fois qu’un Conseil des ministres s’était tenu au Palais national, Ariel Henry était encore Premier ministre. C’était le 12 janvier 2024, quelques semaines avant sa démission. Depuis, le Champ de Mars, cœur administratif et symbolique de la République, était tombé sous le contrôle des groupes armés.

Ce jeudi 9 octobre, le Conseil présidentiel de transition (CPT) et le gouvernement du Premier ministre ont marqué leur grand retour dans les murs du Palais.
Dès huit heures du matin, les membres de l’exécutif ont participé à la montée du drapeau, geste fort relayé sur les réseaux sociaux par la Primature et la Présidence.
Une image rare, presque surréaliste, dans une capitale encore sous la menace des gangs.


Des balles autour du Palais, un Conseil sous tension

Mais ce symbole de reconquête a été immédiatement entaché par la réalité du terrain.
Alors que les ministres délibéraient, des tirs nourris ont éclaté autour du Champ de Mars, provoquant la panique parmi les passants et les riverains.
Des vidéos montrant des véhicules blindés touchés ont circulé massivement en ligne.

Contacté par Le Nouvelliste, le ministre du Commerce James Monazard a tenté de rassurer :

« Le Conseil n’a pas été perturbé. Les tirs venaient de plus loin. C’était une tentative d’intimidation qui n’a pas marché », a-t-il affirmé.

Le ministre soutient que la réunion s’est tenue dans le calme, abordant tous les points à l’ordre du jour avant un déjeuner au Palais.


Budget, élections, sécurité : les grands axes du jour

Selon un communiqué officiel, les discussions ont porté sur la consolidation des mesures sécuritaires et l’adoption de plusieurs textes majeurs :

  • le Décret établissant le Budget général 2025-2026,
  • l’abrogation du Décret créant la Conférence nationale et du Décret référendaire du 24 juin 2025,
  • la modification de l’Arrêté du 18 septembre 2024 sur la composition du Conseil Électoral Provisoire (CEP),
  • et le retrait des arrêtés relatifs au Comité de pilotage de la Conférence nationale.

Autrement dit, le gouvernement a voulu montrer qu’il travaille à restaurer la gouvernance, la planification budgétaire et la préparation électorale, malgré le chaos sécuritaire ambiant.

Ce retour du gouvernement au Palais national pourrait être lu comme un acte de bravoure institutionnelle, une tentative de réaffirmer la souveraineté de l’État au cœur de la capitale.
Mais il illustre aussi la précarité du pouvoir : un Conseil des ministres sous la menace des balles, dans une ville où le territoire de l’État reste à reconquérir.

La scène résume la transition actuelle : un gouvernement qui parle réforme dans un pays qui brûle, un exécutif qui tente de donner l’image d’une normalité politique là où rien n’est normal.

En renouant avec le Palais, le pouvoir de transition cherche à marquer son autorité et à reprendre le contrôle des symboles républicains.
Mais la question demeure : peut-on gouverner un pays depuis un palais encerclé ?
Entre communication politique et réalité sécuritaire, le Conseil des ministres du 9 octobre 2025 restera comme un instant de défi — celui d’un État qui refuse de disparaître, mais qui peine encore à renaître.


🖋️ Éditorial signé : Yves Manuel
📍 Rédaction RLNEWS

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