À deux mois de la fin programmée du Conseil présidentiel de transition (CPT), Walson Sanon lance une vérité que beaucoup feignent d’ignorer : révoquer le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé maintenant serait une absurdité politique, un geste théâtral sans portée, une diversion de plus dans un pays qui n’a plus les moyens de s’offrir des distractions institutionnelles.
Le leader d’Anfòs pou Ayiti ne mâche pas ses mots : l’heure n’est plus aux querelles de personnes, mais à l’organisation lucide de l’après–7 février 2026. Tout le reste – manœuvres, ambitions, règlements de comptes – relève du folklore d’un système essoufflé.
Sanon renvoie donc le CPT à ses responsabilités : bâtir un consensus politique avant que le vide institutionnel ne se creuse à nouveau. Et il a raison : aucun pays ne survit à la répétition éternelle des improvisations.
Plaidoyer pour un retour strict aux institutions
L’une des affirmations majeures de Sanon mérite d’être soulignée : la transition ne peut plus être un laboratoire d’ingénierie politique, elle doit retourner à la simplicité constitutionnelle. La « théorie des trois pouvoirs », rappelle-t-il, n’est pas un exercice académique mais le minimum vital pour éviter la dérive.
Son option : confier à la Cour de cassation la mission d’organiser la suite — désigner un président, un Premier ministre, et permettre enfin au pays de renouer avec des repères formels. Qu’on partage ou non cette orientation, elle a le mérite d’exister dans un paysage où trop d’acteurs s’en remettent à la seule logique des rapports de force.
Critique frontale du CPT : un organe trop large, trop faible
Sanon ne s’embarrasse pas de diplomatie : le CPT, né de compromis internationaux et locaux, serait selon lui un « mauvais choix de gouvernance ». La pluralité de ses neuf membres n’a pas, selon lui, produit la collégialité attendue, mais une cacophonie où certains défendraient surtout leurs intérêts personnels.
Ce constat n’est pas isolé. Mais Sanon en tire une conclusion radicale : cette architecture ne peut pas porter le pays au-delà de son propre mandat. D’où sa mise en garde : le vrai danger n’est pas l’erreur d’aujourd’hui, c’est l’absence de plan pour demain.
Sanctions internationales : un rejet sans détour
Sur les sanctions internationales, Sanon frappe encore plus fort. Pour lui, ces mesures relèvent du parti pris, d’un mécanisme qui humilie plus qu’il ne moralise.
Il cite Helen La Lime, l’accusant d’avoir autrefois toléré — voire salué — la fédération des gangs sous Jovenel Moïse. Qu’on adhère ou non à cette lecture, la charge est violente : elle place les institutions internationales devant leurs contradictions.
Et Sanon enfonce le clou en évoquant Fritz Jean : l’ancien gouverneur, aujourd’hui sanctionné, aurait encouragé la justice à poursuivre les sanctionnés. Une pirouette de l’histoire qu’il présente comme « la victime de ses propres erreurs ».
La rhétorique est dure, mais révèle surtout un ressentiment croissant envers des décisions perçues comme externes, intrusives et politiquement orientées.
Un éditorial qui dérange — et c’est tant mieux
On peut critiquer Sanon, contester ses solutions, refuser ses dénonciations. Mais une chose est certaine : il remet au centre du débat ce que beaucoup fuient — la question de la continuité institutionnelle, l’urgence du consensus, et la nécessité de sortir de la politique spectacle.
Son message est clair :Le 7 février 2026 n’est pas une date symbolique. C’est un test.
Et si le pays le rate, il ne pourra blâmer ni Washington, ni l’ONU, ni la météo.
La transition n’a plus le luxe de perdre du temps.Et le débat lancé par Sanon, tranchant, polémique ou non, a le mérite d’exiger enfin des décisions à la hauteur du moment.
RL News
