Suspension de visas : une manœuvre migratoire sélective à double tranchant

Suspension de visas : une manœuvre migratoire sélective à double tranchant
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Éditorial par RLNEWS

À partir de ce lundi 9 juin, les États-Unis ont décidé de suspendre tout ou partie de l’octroi de visas à 19 pays, incluant Haïti. Une décision qui, bien que ponctuée d’exemptions, envoie un message politique fort, empreint de méfiance, et qui soulève de légitimes interrogations sur la cohérence de la politique migratoire américaine à l’égard des pays du Sud.

Certes, cette suspension ne concerne ni les détenteurs de cartes vertes, ni les personnes déjà installées légalement aux États-Unis. Les titulaires de visas diplomatiques, les athlètes en route vers les Jeux olympiques ou la Coupe du monde, ainsi que les entraîneurs et les Afghans sous visa spécial, échappent également à cette vague de restrictions. Mais ce vernis de nuance ne saurait masquer la réalité d’une politique migratoire de plus en plus sélective, voire discriminatoire.

Haïti, comme plusieurs autres pays concernés, traverse une crise politique et humanitaire profonde. Les mouvements migratoires qui en découlent ne relèvent pas du confort ou de la curiosité touristique, mais bien souvent d’une quête de survie. En suspendant l’octroi de visas, Washington ferme un peu plus la porte à des milliers de personnes qui auraient pu bénéficier d’une mobilité légale et encadrée. Pire encore : cela pourrait alimenter les circuits migratoires clandestins, accroître les risques de traite humaine, et renforcer les sentiments d’abandon et d’injustice parmi les populations concernées.

La logique sécuritaire invoquée par les autorités américaines — protéger le territoire contre des “risques jugés potentiels” — semble relever davantage de la rhétorique que de données tangibles. En amalgamant, de manière à peine voilée, immigration et menace, les États-Unis envoient un signal de défiance aux pays déjà fragilisés, au lieu de leur tendre une main coopérative et solidaire.

Cette suspension unilatérale apparaît donc comme une mesure de court terme, aux effets possiblement contre-productifs. Elle illustre une fois de plus la difficulté des grandes puissances à concilier sécurité intérieure et responsabilité internationale. Haïti et les autres pays concernés méritent mieux qu’un rejet administratif. Ils ont besoin de partenariats solides, d’accès équitable aux opportunités, et de politiques qui tiennent compte de la complexité des causes migratoires.

L’Amérique peut-elle continuer à se présenter comme terre d’accueil tout en élevant des murs de procédures contre ceux qui en ont le plus besoin ? À l’heure où les défis migratoires sont mondiaux, la réponse à cette question devrait être claire, équilibrée et empreinte d’humanité. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.

RLnews ( RL)

rlnewshaiti

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