ÉDITORIAL – Diplomatie, mémoire et avenir : Haïti face à son destin

ÉDITORIAL – Diplomatie, mémoire et avenir : Haïti face à son destin
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Par Yves Manuel

Nous vivons à une époque où le présent semble absorber toute notre attention. Les urgences d’aujourd’hui — insécurité, crise institutionnelle, dérive économique — tendent à effacer la mémoire du passé et à brouiller notre vision de l’avenir. Pourtant, sans mémoire, un peuple s’égare. Et sans projection, une nation se fige.

C’est dans ce contexte que le Ministère de la Culture et de la Communication a lancé, en août dernier, une campagne internationale marquant les 234 ans de la cérémonie du Bois Caïman, sous le thème :

« Bois Caïman : des mots pour la liberté. Bois Caïman, je m’en souviens. »

Cette initiative dépasse la simple commémoration. Elle nous renvoie à une vérité essentielle : la parole peut être un acte de résistance. Au Bois Caïman, en 1791, des hommes et des femmes asservis ont transformé leurs mots en armes, leur foi en force, leur rêve en révolution. En célébrant cet héritage, Haïti rappelle au monde que sa diplomatie de demain doit, elle aussi, se nourrir de cette parole libératrice.

Dans cet esprit, le Ministère des Affaires étrangères et des Cultes, dirigé par Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, a choisi d’accompagner cette campagne tout en poursuivant une profonde réforme institutionnelle. Le recrutement de la nouvelle cohorte de l’Académie Diplomatique Jean Price-Mars s’inscrit dans cette volonté de modernisation. Trente jeunes Haïtiens — quinze femmes et quinze hommes — s’apprêtent à incarner cette relève, cette diplomatie du renouveau qui conjugue compétence, impartialité et engagement au service du pays.

Ces initiatives s’harmonisent avec la vision exprimée par Laurent Saint-Cyr, coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition, qui a récemment rappelé :

« Notre diplomatie doit se renforcer pour bien défendre les intérêts du peuple haïtien. »

Cet appel résonne comme un devoir collectif. Car dans le tumulte actuel, Haïti doit redonner sens à sa voix sur la scène internationale. La diplomatie ne se réduit pas à la représentation : elle est un outil de souveraineté, un levier de développement et une passerelle entre le passé glorieux de la nation et son futur à construire.

Réaffirmer Bois Caïman, c’est rappeler que notre dignité ne s’achète pas, qu’elle se cultive. Former de nouveaux diplomates, c’est préparer la relève d’une Haïti qui dialogue sans se renier, qui plaide sans se soumettre, qui s’ouvre au monde sans perdre son âme.

Haïti n’a jamais manqué de mots — elle a manqué de mémoire et de stratégie. Aujourd’hui, l’une et l’autre se rejoignent : la mémoire du Bois Caïman inspire la stratégie d’une diplomatie renouvelée. C’est dans cet équilibre que se trouve peut-être notre salut collectif.

Yves Manuel
Journaliste, analyste politique et chroniqueur à RLNEWS

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