Le renvoi du Premier Ministre Garry Conille , un abus de pouvoir ?

Le renvoi du Premier Ministre Garry Conille , un abus de pouvoir ?
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Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a pris ce week-end une décision retentissante en mettant fin aux fonctions du Premier Ministre Garry Conille. Cette décision, cependant, soulève de vives interrogations sur sa légalité, tant dans la procédure adoptée que dans les fondements mêmes de l’action entreprise. Voici une analyse des principales irrégularités juridiques liées à cette décision.

Port-au-Prince, le 9 novembre 2024.-L’illégalité de la procédure adoptée par le CPT apparaît à deux niveaux : le manque de légitimité fonctionnelle du Conseil et un potentiel conflit d’intérêts parmi ses membres.

  1. Un Conseil Présidentiel en situation de dysfonctionnement

La légitimité fonctionnelle du CPT est mise en doute, notamment en vertu du décret du 10 avril 2024. Celui-ci stipule clairement qu’aucun membre sous le coup d’une accusation ou d’une poursuite pénale ne peut siéger au sein du Conseil. Or, trois de ses membres font actuellement l’objet de poursuites pour corruption. Leur maintien au sein du CPT remet en question la légalité de leurs délibérations, car, selon la réglementation, toute délibération impliquant ces membres doit être considérée comme nulle et non avenue.

En outre, le décret exige que le Conseil réunisse au moins cinq membres pour valider toute décision. En raison de l’inéligibilité de trois membres, cette majorité de quorum n’est plus atteinte, rendant toute délibération juridiquement invalide.

  1. Un conflit d’intérêts manifeste

La présence de ces trois membres pose également un problème de conflit d’intérêts. Dans les faits, le CPT pourrait avoir un intérêt direct dans la nomination du Ministre de la Justice, qui dispose d’une autorité sur le Commissaire du Gouvernement, en charge de l’instruction des accusations à leur encontre. Cette situation alimente les doutes sur l’indépendance des décisions prises par le Conseil et pourrait laisser penser que les membres visés cherchent à influencer la justice en leur faveur.

Les fondements juridiques de la décision en question

La décision de renvoyer le Premier Ministre semble, en outre, enfreindre plusieurs dispositions constitutionnelles et légales.

  1. Une violation de la Constitution

D’après la Constitution haïtienne, seul le parlement peut mettre fin aux fonctions du Premier Ministre par une motion de censure ou par sa propre démission (article 158). Le Président de la République, ou le CPT en l’occurrence, n’a donc pas l’autorité pour révoquer un Premier Ministre, surtout durant cette période exceptionnelle. En exerçant les fonctions présidentielles, le CPT ne saurait s’arroger des pouvoirs dépassant ceux d’un Président élu.

  1. Un vide institutionnel non comblé

Selon l’Accord du 3 avril, le Conseil dispose du pouvoir de nommer le Premier Ministre, mais aucun texte n’accorde explicitement au CPT la compétence de révoquer ce dernier. Ce rôle incomberait à l’Organe de Contrôle de la Gestion Gouvernementale, qui, faute de mise en place, laisse un vide institutionnel. Ce vide ne saurait légitimement justifier une action unilatérale du CPT.

Ainsi, en dehors d’une démission de Garry Conille ou d’une concertation entre les forces politiques, toute initiative visant à le destituer apparaît comme une extension abusive de pouvoir.

Rlnewshaiti

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